2009-02-19

Sarko, la justice et la justice sociale

Dans son allocution télévisée d'hier soir, Nicolas Sarkozy a prononcé six fois le mot "justice" :
  • « Je leur ai dit ma détermination à aborder cette période difficile dans un esprit de responsabilité et par dessus tout de justice ».
  • « L’esprit de justice, c’est de tout faire pour que la crise ne fasse pas souffrir davantage les plus fragiles d’entre nous et ne fragilise pas ceux qui travaillent dur pour faire vivre leur famille ».
  • « Les dirigeants des entreprises qui recourent au chômage partiel ou au licenciement économique devront s’engager à renoncer à leurs bonus. C’est un élément de la justice ».
  • « Mais au-delà de ces mesures de justice, et la justice ce doit être une priorité en ce moment, les réformes doivent continuer (…) ».
  • « Je vous propose le seul chemin qui vaille, celui de l’effort, celui de la justice, celui du refus de la facilité (…)».
Il y a sans doute là un phénomène symbolique intéressant mais encore difficile à interpréter.

Premièrement, l'emploi du concept de "justice" pour fonder les mesures annoncées par le Président est évidemment erroné intellectuellement... sauf dans une perspective typiquement socialiste. Cet emploi relève d'une vision du marché aussi délirante que celle ayant déjà conduit Sarkozy a proposer un découpage du profit en trois parts.

Deuxièmement, l'utilisation de ce concept plutôt que celui de "justice sociale" paraît relativement nouvelle et intriguante. Jusqu'à tout récemment, 99% de la classe politique française prônait la justice sociale sans la moindre hésitation. C'était déjà une aberration conceptuelle. Comme on le sait depuis Hayek, cette notion est fondamentalement dénuée de sens si l'on accepte la définition de la justice ordinairement acceptée dans la civilisation occidentale depuis des siècles (malheureusement, peu de libéraux sont conscients de cela). Voir à ce sujet l'éblouissant tome II de "Droit, Législation et Liberté" intitulé "Le mirage de la justice sociale" ou, pour une version plus courte de l'argument de Hayek, son article "L'atavisme de la justice sociale" dans les "Nouveaux essais de philosophie, de science politique, d'économie et d'histoire des idées" aux Belles Lettres.

Jusqu'où ira cette dérive conceptuelle qu'a semblé inaugurer Sarkozy hier soir ? Difficile, à ce stade, de le dire. Osons espérer (sans trop y croire) que ce n'est qu'une erreur ponctuelle de sa part. Parler de "justice" pour justifier des mesures en faveur des populations les plus affectées par la crise est encore plus dangereux que de mobiliser l'idée de "justice sociale". Avec l'idée de justice, on peut justifier absolument n'importe quoi, y compris des mesures qui vont au delà de la redistribution sociale et économique. A quand une fusion du ministère de l'économie et du ministère de la justice, pour mieux poursuivre les entrepreneurs qui licencient des innocents ?

YM, pour Libertas

1 commentaire:

BLOmiG a dit…

Bravo !
entièremment d'accord.

Non seulement sur l'absence de sens de l'expression "justice sociale", mais également sur la gravité de la dérive socialiste de notre pays...

Il y a du travail d'instruction à faire...