2007-01-18

Le Conseil d'Etat annule le classement de sortie 2004 de l'ENA

Conseil d'Etat, 10e et 9e sous-sections réunies, 10 janvier 2007 n° 297864 M. G. et autres :

(…)

Vu le jugement n°0401972 du 3 décembre 2004, enregistré le 2 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a transmis au Conseil d'Etat, en application de l’article R. 311-1 du code de justice administrative, la requête présentée par M. Etienne G. etc. ; le SYNDICAT SPACEF-CFDT - MINISTÈRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, dont le siège est 120, rue de Bercy à Paris Cedex 12 (75572) ; M. G. et les autres requérants demandent:

1°) l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 12 mars 2004 par laquelle le directeur de l’Ecole nationale d’administration (E.N.A.) a arrêté le classement des élèves de la promotion 2002-2004 «Léopold Sédar Senghor»de l’E.N.A. ;

2°) de mettre à la charge de l’Ecole nationale d’administration une somme globale de 30 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative;

(…)

Vu les autres pièces du dossier;

Vu le code de justice administrative;

Vu la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, notamment son article 20 bis;

Vu le décret n°2002-50 du 10 janvier 2002 relatif aux conditions d’accès et aux régimes de formation à l’Ecole nationale d’administration;

Vu le décret n° 2002-766 du 3 mai 2002 relatif aux modalités de désignation, par l’administration, dans la fonction publique de l’Etat, des membres des jurys et des comités de sélection et de ses représentants au sein des organismes consultatifs;

Vu l’arrêté du ministre de la fonction publique et de la réforme de l’Etat en date du 10 janvier 2002 portant approbation du règlement intérieur de l’Ecole nationale d’administration;

(…)

Sur la recevabilité de la requête:

Considérant que si le directeur de l’Ecole nationale d’administration conteste l’intérêt du syndicat CFDT-SPACEF à demander l’annulation de la décision attaquée, la requête en tant qu’elle émane de M. G. etc. est recevable; que la fin de non recevoir opposée par le directeur doit, en tout état de cause, être rejetée;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête;

Considérant qu’aux termes de l’article 45 du décret du 10 janvier 2002 susvisé: «La scolarité à l’Ecole nationale d’administration dure vingt-quatre mois. (…) / La scolarité comporte des stages et des études. (…) Elle est sanctionnée par un classement»; que M.G. et les autres requérants demandent l’annulation de la décision du 12 mars 2004 du directeur de l’Ecole nationale d’administration arrêtant le classement à la fin de la scolarité des élèves de la promotion 2002-2004 «Léopold Sedar Senghor»;

Sur l’épreuve de questions européennes et questions internationales:

Considérant qu’aux termes de l’article 47 du décret du 10 janvier 2002 susvisé: « A l’exception de l’attribution des notes prévues au troisième alinéa du présent article, aucun maître de conférences de la promotion à laquelle appartiennent les élèves intéressés et de la promotion antérieure ne peut être membre d’un jury ni examinateur »; qu’il ressort des pièces du dossier que (le) conseiller à la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne, a fait partie des maîtres de conférences choisis par l’Ecole dans le cadre de l’enseignement de questions internationales et européennes, et est intervenu devant les élèves de la promotion Senghor ; qu’en méconnaissance des dispositions précitées, il a pourtant également été nommé membre du jury de l’épreuve de questions européennes, qui a, ainsi, été irrégulièrement composé; que les notes attribuées par ce jury doivent par suite être annulées;

Sur l’épreuve de gestion publique:

Considérant qu’en application de l’article 17 du règlement intérieur de l’Ecole nationale d’administration, l’enseignement de gestion publique donne lieu à deux épreuves, une note sur dossier, avec un coefficient 5, et une « soutenance orale de la note écrite», avec un coefficient 3; que, par ailleurs, les élèves doivent effectuer des travaux collectifs sur option, sanctionnés par une épreuve écrite avec un coefficient 5; qu’il ressort des pièces du dossier que, dans ce dernier cadre, un groupe d’élèves a travaillé pendant un mois sur le thème de la réorganisation des services routiers du ministère de l’équipement et a notamment eu plusieurs entretiens approfondis avec des agents de ce ministère, dont le directeur du personnel, des services et de la modernisation; que, s’agissant de l’épreuve écrite de gestion publique, le jury, présidé par le même directeur d’administration centrale, a sélectionné un dossier portant sur la décentralisation de certaines compétences du ministère de l’équipement, parmi lesquelles les infrastructures routières; que, malgré la formulation différente des deux sujets, le thème du dossier de l’épreuve écrite de gestion publique était de nature à procurer un avantage aux élèves qui, par le travail et les démarches réalisés dans le cadre de l’épreuve de travaux collectifs, avaient pu acquérir une familiarité certaine avec le sujet et s’entretenir personnellement avec le directeur d’administration centrale, président du jury; que par suite, l’épreuve écrite et l’épreuve orale de gestion publique doivent également être annulées;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les épreuves de gestion publique et de questions européennes doivent être annulées; que M.G. et les autres requérants sont par suite fondés à demander l’annulation du classement des élèves de la promotion 2002-2004 de l’Ecole nationale d’administration;

Considérant toutefois que, par un arrêté en date du 9 avril 2004, le ministre de la fonction publique et de la réforme de l’Etat a affecté les élèves de la promotion 2002-2004 de l’Ecole nationale d’administration ayant terminé leur scolarité au mois de mars 2004 dans les différents corps qu’ils avaient choisis; que cet arrêté n’a pas fait l’objet de recours contentieux; que ces nominations, qui étaient créatrices de droits pour leurs bénéficiaires, étant devenues définitives, l’annulation prononcée par la présente décision est sans influence sur la situation individuelle des agents issus de la promotion «Léopold Sedar Senghor»;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative:

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Ecole nationale d’administration la somme globale de trente euros que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens;

DÉCIDE

Article 1: La décision du 12 mars 2004 du directeur de l’Ecole nationale d’administration arrêtant le classement des élèves de la promotion 2002-2004 «Léopold Sedar Senghor» de l’Ecole nationale d’administration est annulée.

Article 2: L’Ecole nationale d’administration versera une somme globale de trente euros à M. G. et aux autres requérants.

Article 3: La présente décision sera notifiée à M. G. etc., au SYNDICAT SPACEF-CFDT - MINISTERE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, à l’Ecole nationale d’administration, au ministre de la fonction publique et au Premier ministre.

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