Premièrement, il exprime une opinion réservée sur le suffrage universel (pages 22 et suivantes de l’édition Lulu.com), alors que le droit de vote a connu un mouvement d'extension permanente jusqu’à sa quasi-universalité : de nos jours, seuls les enfants et les étrangers non communautaires n’ont pas (encore ?) le droit de voter en France.
Toutefois, la position de Frédéric Bastiat peut s’expliquer, je pense, non seulement par le contexte historique, mais par deux principes :
- le premier : no taxation without representation, principe de la représentation parlementaire ; a contrario, no taxation, no representation peut se défendre : seuls ceux qui contribuent effectivement au budget national pourraient avoir le droit de voter. Toutefois, compte tenu de l’étendue des prélèvements obligatoires en France, directs mais aussi indirects, il ne doit pas rester grand monde qui ne verse son écot à l’État, ne serait-ce que par la TVA, à moins de tenter d’établir un solde net individuel, positif ou négatif, pour accorder le droit de vote, ce qui serait une tâche dantesque compte tenu de la complexité de la fiscalité
- le second principe qui justifie sa position réservée sur le suffrage universel, il l’explique lui-même : si la loi est réduite à ce qu’elle devrait être, « la justice organisée », peu importe qui la vote, l’universalité des Français ou seulement certains d’entre eux.
Deuxièmement, il critique ce qui mène les familles pauvres à « chercher l’instruction littéraire avant de chercher du pain » (page 14 de l’édition Lulu.com).
Dans une société éduquée, dans une économie de la connaissance, où chacun voit l’utilité pour soi et pour tous d’avoir des concitoyens éduqués, une telle affirmation peut choquer.
Toutefois, elle correspond presque terme à terme à la phrase, peut-être mieux tournée, de Danton : « après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple », inscrite sur le socle de sa statue à l’Odéon à Paris, qui énonce le même ordre des besoins.
Si l’éducation est certes un besoin essentiel de chaque individu pour croître, on comprend mieux la phrase de Bastiat, je crois, si l’on observe le gâchis intellectuel qui s’opère, faute de sélection, sur les bancs de certaines facultés françaises : on connaît l’exemple des bataillons de sociologues ou d’autres spécialistes de sciences humaines formés sans espoir d’emploi dans leur domaine. Sans l’intervention de l’État, sans l’interdiction de la sélection universitaire, ce gâchis humain et financier ne se produirait pas : des processus de marché permettraient une adéquation de l’offre à la demande. Je pense que c’est ainsi qu’il faut comprendre la remarque incidente de Bastiat, et non comme une critique de la quête, même des plus pauvres, de la connaissance.
* * *
J'ajoute une transcription d'un commentaire laissé ce jour sur l'article Légiférer moins pour réguler mieux, d'Objectif liberté :
"Je ne suis pas sûr qu'on puisse parvenir à verrouiller "par le haut" l'appétence pour la régulation de la société malgré ses effets à rebours de ceux qui sont recherchés. Comme la langue d'Esope, la loi peut être la pire et la meilleure des choses, selon ce que le peuple demande, et en conséquence ce que le législateur vote. C'est donc d'une part l'électeur qu'il faut convaincre de la nécessité d'un retour à un régime plus libéral, donc à un corps de règles moins contraignant, pour son propre bien ; et d'autre part le législateur, auquel il faut faire prendre conscience de sa responsabilité et la mesure des effets de ses lois. C'est en réduisant la "demande sociale" de protection et de direction, "par le bas", en illustrant les bienfaits d'un régime de liberté et de responsabilité, que le législateur trouvera un intérêt électoral à voter moins de lois.
En ce sens, si chaque élu, et mieux, chaque électeur, avait au moins lu une fois La Loi de Frédéric Bastiat, la législation française malade d'obésité connaîtrait peut-être son premier régime amincissant ? Nous libéraux pourrions peut-être offrir à tout parlementaire nouvellement élu, et à tout ministre nouvellement nommé, un exemplaire de ce texte, comme un vademecum. J'ai réédité La Loi chez Lulu.com afin de mettre ce texte aisément à disposition de tous, et la remise aux parlementaires est un projet auquel je songe, mais que je ne puis financer seul, tant ils sont nombreux... (577 députés, 343 sénateurs, sans compter les députés européens, et les autres élus qui pourraient mettre à profit cette lecture : conseillers régionaux, généraux...).
Par ailleurs, je me suis aussi efforcé de négocier le droit de traduire et de publier la Constitution européenne que The Economist avait proposée en 2000, d'inspiration libérale ; mais le montant des droits mensuels demandé par l'hebdomadaire britannique est exorbitant, je dois donc renoncer à ce second projet..."
1 commentaire:
passionnante réflexion.
Merci à toi de remettre le focus sur ces idées peu politiquement correctes...Bastiat est décidemment un grand penseur.
Pour ce qui est de tes projets : offrir aux députés la Loi de Bastiat est un beau projet, si tu veux de l'aide pour trouver du financement, faire du bruit, etc...contactes moi.
Pour l'autre, pareil. Ce n'est pas que j'ai beaucoup d'argent, mais si on se retrouve à beaucoup pour le faire, on pourrait solliciter les gens sur facebook ou autrement...
à bientôt
Enregistrer un commentaire