2011-01-06

Quelques commentaires sur l'article de Nicolas Bourcier

Au premier abord, on se réjouit que Le Monde mentionne Frédéric Bastiat, phénomène rare. Mais une lecture attentive de l'article publié hier 5 janvier 2011 en page 3 suscite quelques commentaires.

On appréciera le titre de l'article : "Bastiat, le Français inconnu référence des ultraconservateurs américains".

Inconnu ? Il a tout de même, depuis 1889, une rue à son nom à Paris ! Et Jacques de Guénin, qui a fondé le Cercle Frédéric Bastiat, dans les Landes, travaille à ce qu'il ne soit pas un "Français inconnu", même s'il reste encore trop méconnu, car pas assez lu, comme la suite de l'article le démontre...

Par ailleurs, qu'est-ce qu'un ultraconservateur ? Quelle différence avec un conservateur ? Et avec un libéral ? Un lecteur qui adhère aux idées de Bastiat peut-il être ultraconservateur, c'est-à-dire souhaiter que rien ne change, alors que l'auteur pourfend les privilèges, les monopoles, et ce que Laurent Mauduit appellerait le "capitalisme de connivence" ? Le libéralisme de Bastiat est aussi étranger au conservatisme qu'au socialisme. À l'Assemblée nationale, il siégeait à gauche. Et votait, selon sa conscience, avec la droite ou la gauche. On lui reprocha même d'être d'extrême-gauche, comme il l'indique dans sa profession de foi électorale de 1849 ! Depuis les années 1820, le terme Ultras est un repoussoir commode, et un peu éculé...

Enfin, la citation finale est fausse : elle ne provient pas de La Loi, mais de L'Etat, un autre texte de Bastiat. Et il ne s'agit pas d'un autoportrait, mais d'un sarcasme, un commentaire ironique, au second degré, comme le montre la phrase elle-même lorsqu'elle n'est pas tronquée : "Me voilà discrédité à tout jamais; et il est maintenant reçu que je suis un homme sans cœur et sans entrailles, un philosophe sec, un individualiste, un bourgeois, et, pour tout dire en un mot, un économiste de l'école anglaise ou américaine". Bastiat, et une lecture attentive de La Loi le montre, est tout sauf un homme sans coeur et sans entrailles...

Post scriptum :

1 commentaire:

Roman Bernard a dit…

Le terme « ultraconservateur » a d'autant moins de sens que le journaliste n'en donne pas la définition. En tout cas, un conservateur n'est pas quelqu'un qui veut que rien ne change (la gauche française, immobiliste, n'étant en rien conservatrice), mais quelqu'un qui s'appuie sur le passé pour se projeter dans l'avenir. La profession de foi électorale de Frédéric Bastiat que tu mets en lien est ainsi tout à fait compatible avec un conservatisme bien compris. Il ne faut pas, en effet, se laisser accoler des étiquettes fausses (« ultraconservateurs », « ultradroite »), mais il ne faut pas non plus en refuser de bonnes.