Traduction à la volée d'un article récent :
New York Times
Les pages opinion
Tribune libre
par Vinton G. Cerf
Publié : 4 janvier 2012
Reston, Virginie
Des rues de Tunis à la place Tahrir et
au-delà, les protestations autour du monde l'année dernière était
fondées sur internet et sur les nombreux outils qui interagissent
avec lui. Bien que les manifestations prospérassent parce que des
milliers de personnes se présentèrent pour participer, elles
n'auraient jamais pu se produire comme elles l'ont fait sans la
capacité qu'offre internet de communiquer, d'organiser et de
diffuser partout, instantanément.
Il n'est pas surprenant, alors, que les
protestations aient suscité la question de savoir si l'accès à
internet est ou devrait être un droit civil ou humain. Le sujet est
particulièrement brûlant dans les pays dont les gouvernement ont
verrouillé l'accès à internet dans une tentative de réduire au
silence les protestataires. En juin, citant les soulèvements au
Moyen Orient et en Afrique du Nord, un rapport du rapporteur spécial
des Nations Unies est allé jusqu'à déclarer qu'internet était
« devenu un outil indispensable à la réalisation d'un
éventail de droits de l'homme ». Ces dernières années, des
tribunaux et parlements dans des pays comme la France et l'Estonie
ont déclaré que l'accès à internet était un droit de l'homme.
Mais cet argument, aussi bien
intentionné qu'il soit, passe à côté d'un point plus important :
la technologie est un catalyseur
(enabler) des droits, pas un droit en soi. Il y a un seuil
élevé pour que quelque chose soit considéré comme un droit de
l'homme. Grosso modo, cela doit faire partie des choses dont nous
humains avons besoin afin de mener des vies saines et ayant un sens,
comme le droit de ne pas être torturé ou la liberté de conscience.
C'est une erreur que de placer une technologie particulière dans
cette haute catégorie, puisque avec le temps nous finirons par
accorder de la valeur aux mauvaises choses. Par exemple, à une
époque si vous n'aviez pas de cheval il était difficile de gagner
sa vie. Mais le droit important dans ce cas était le droit de gagner
sa vie, pas le droit à un cheval. Aujourd’hui, si on m'octroyait
le droit à avoir un cheval, je me demande où je le mettrais.
Le meilleur moyen de caractériser les
droits de l'homme est d'identifier les résultats que nous essayons
de garantir. Ceux-ci incluent des libertés critiques comme la
liberté d'expression et la liberté d'accès à l'information – et
celles-ci ne sont pas nécessairement liées à une technologie
particulière à une époque particulière. En effet, même le
rapport des Nations Unies, qui fut largement salué pour avoir
déclaré que l'accès à internet était un droit de l'homme,
reconnaissait qu'internet est précieux comme moyen au service d'une
fin, et non comme une fin en soi.
Qu'en est-il de la prétention que
l'accès à internet est ou devrait être un droit civil ? Le
même raisonnement que ci-dessus peut être appliqué ici – l'accès
à internet est toujours seulement un outil pour obtenir autre chose
de plus important – bien que l'argument selon lequel il s'agit d'un
droit civil est, je le concède, plus solide que celui qui affirme
qu'il s'agit d'un droit de l'homme. Les droits civils, après tout,
sont différents des droits de l'homme parce qu'ils nous sont
conférés par la loi, et ne nous sont pas intrinsèques en tant
qu'être humains.
Alors que les Etats-Unis n'ont jamais
décrété que quelqu'un aurait un « droit » à un
téléphone, nous nous sommes approchés de ceci avec la notion de
« service universel » - l'idée que le servie
téléphonique (et électrique, et maintenant l'internet à haut
débit) doit être disponible même dans les régions les plus
reculées du pays. Quand nous acceptons cette idées, nous sommes au
bord de l'idée de l'accès à internet comme droit civil, parce que
garantir l'accès est une politique publique menée par le
gouvernement.
Cependant toutes ces discussions
philosophiques négligent un sujet plus fondamental : la
responsabilité des créateurs de technologie eux-mêmes de soutenir
les droits humains et civils. Internet a offert une plateforme
extrêmement accessible et égalitaire pour créer, partager et
obtenir de l'information à l'échelle globale. De là, il résulte
que nous avons de nouvelles voies de permettre aux gens d'exercer
leurs droits humains et civils.
Dans ce contexte, les ingénieurs ont
non seulement la formidable obligation de mettre ces pouvoirs à la
disposition des utilisateurs, mais aussi une obligation d'assurer la
sécurité des utilisateurs en ligne. Cela signifie, par exemple,
protéger les utilisateurs de dangers spécifiques comme les virus et
les vers qui envahissent silencieusement leurs ordinateurs. Les
technologistes devraient travailler dans cette perspective.
Ce sont les ingénieurs – et nos
associations professionnelles et les organisations qui déterminent
les standards comme l'Institut des ingénieurs électriciens et
électroniciens – qui créent et entretiennent ces nouvelles
capacités. Pendant que nous cherchons à faire progresser l'état de
l'art dans la technologie et son usage dans la société, nous devons
être conscients de nos responsabilités civiles en sus de notre
expertise en ingénierie.
Améliorer internet est juste un moyen,
quoique important, d'améliorer la condition humaine. Cela doit être
fait avec une appréciation des droits civils et humains qui méritent
protection – sans prétendre que l'accès lui-même est un tel
droit.
Vinton G. Cerf, membre de l'IEEE, est
vice-président et évangéliste internet en chef (sic) pour Google.
2 commentaires:
Pour ceux qui aiment bien les versions originales, voici le lien :http://nyti.ms/AzPQBO
Oups, j'avais oublié de mettre le lien. Merci. Je vais l'ajouter.
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