Blocage des loyers : inégalité des territoires et mal-logement
"Dans la sphère économique, un acte, une habitude, une institution, une loi n’engendrent pas seulement un effet, mais une série d’effets. De ces effets, le premier seul est immédiat ; il se manifeste simultanément avec sa cause, on le voit. Les autres ne se déroulent que successivement, on ne les voit pas ; heureux si on les prévoit.
Entre un mauvais et un bon économiste, voici toute la différence : l’un s’en tient à l’effet visible ; l’autre tient compte et de l’effet qu’on voit et de ceux qu’il faut prévoir.
Mais cette différence est énorme, car il arrive presque toujours que, lorsque la conséquence immédiate est favorable, les conséquences ultérieures sont funestes, et vice versa. — D’où il suit que le mauvais économiste poursuit un petit bien actuel qui sera suivi d’un grand mal à venir, tandis que le vrai économiste poursuit un grand bien à venir, au risque d’une petit mal actuel.
Comme le disait ainsi Frédéric Bastiat, il y a "ce qu'on voit" : le blocage des loyers à la relocation, idée naïve pleine de bonnes intentions annoncée par la ministre de "l'égalité des territoires et du logement". Formidable, pense le quidam.
Mais il y a "ce qu'on ne voit pas" :
- une atteinte à la liberté contractuelle, à un moment où personne n'est lésé, personne n'étant obligé de contracter (on n'est pas dans le cas de la révision annuelle, où le locataire subit l'augmentation, à laquelle il ne peut échapper qu'en déménageant) ;
- cette restriction à la liberté de disposer de son bien est une atteinte à la propriété privée, garantie par l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- les propriétaires auront intérêt à appliquer systématiquement l'augmentation maximale de la révision annuelle des loyers, ne pouvant plus rattraper un retard pris sur l'inflation lors de la relocation ;
- les investisseurs auront intérêt à ne pas investir dans la construction de logements neufs en France en vue de les louer, dès lors qu'ils perdent la possibilité d'ajuster le rendement du capital investi, par rapport à l'immobilier dans d'autres pays européens, ou à d'autres catégories d'actifs, comme les actions ou les obligations ;
- la construction d'une bureaucratie coûteuse et inquisitrice, pour obtenir toutes les données sur les loyers, et la définition arbitraires d'un zonage inégalitaire du territoire, propice aux pressions des intérêts particuliers;
- au total, on sait, depuis des décennies, pour l'avoir essayé, et abandonné par l'ordonnance Chirac du 1er décembre 1986, que le contrôle des prix ne fonctionne pas: il est contre-productif, c'est-à-dire qu'il produit les effets contraires à ceux qu'il recherche.
Avec le blocage des loyers, Cécile Duflot veut louer plus pour moins cher. Mais la réalité est qu'à cause du blocage des loyers, on louera moins pour plus cher.
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