2009-02-27

7 blogs

Invité par Lomig, lui-même invité par H16, je vous donne une liste de 7 blogs que je lis régulièrement et que je recommande. Plutôt que de re-recommander les mêmes, je pense qu'il est plus intéressant de donner de nouvelles bonnes adresses. Ainsi, outre Expression Libre et Hashtable, deux membres de l'excellent réseau LHC, et ceux qu'ils ont recommandés (parmi lesquels je retiens en particulier Objectif Liberté), voici ma sélection arbitraire :
  1. Tropical Bear
  2. Québécois Libre
  3. Dramelay
  4. Chroniques beyrouthines
  5. Transnets
  6. Tom Roud
  7. Bleuzenn (après avoir hésité avec Rafaele's Circus, la République des livres et Aymorama)
Ce ne sont pas à proprement parler des blogs, mais je recommande aussi la chronique de Peter Schiff, les vidéos de TED, et les agrégateurs Cozop Libertariens et Cozop Lorraine.

[ ou comment caser 17 adresses auxquelles on tient au prétexte d'une liste de 7 blogs ;-) ]

Que les 7 blogueurs élus se sentent libres d'indiquer à leur tour leurs sept blogs recommandés !

2009-02-23

Le président cite Bastiat

Libertas, fan de Bastiat, ne peut pas ne pas citer les derniers paragraphes du discours du président tchèque Václav Klaus à la succursale bruxelloise du Parlement européen de Strasbourg la semaine dernière, déjà repris in-extenso par Liberté Politique et linké par Expression Libre. Le président cite Bastiat, mais il s'agit du président du Conseil européen et de la République tchèque. Quand un président de la République française a-t-il cité Frédéric Bastiat la dernière fois ? Nicolas Sarkozy l'a-t-il jamais lu ?
"Ce fait est étroitement lié à la question de la prospérité. Il faut dire sincèrement que le système économique actuel de l’UE est celui de l'oppression du marché et du renforcement continu de la gestion centrale de l'économie. Bien que l'histoire nous ait prouvé plus que suffisamment que ce n'est pas la bonne direction à prendre, nous la reprenons de nouveau. Le taux limitant la spontanéité des processus de marché et celui de la réglementation politique ne cessent de croître. C'est aussi l'interprétation erronée des causes de la crise financière et économique qui contribue à ce développement, dans les derniers mois, comme si la crise était due au marché, tandis que sa cause véritable consiste justement dans le contraire – elle a été causée par la manipulation politique du marché. Encore une fois, il faut rappeler l'expérience historique de notre partie de l'Europe et la leçon que nous en avons tirée.

"Beaucoup d'entre vous connaissent certainement le nom de l'économiste français Frédéric Bastiat et sa célèbre Pétition des marchands de chandelles, qui est devenue un texte connu et aujourd'hui déjà classique dans les manuels démontrant l'absurdité de l'ingérence politique dans l'économie. Le 14 novembre 2008, la Commission européenne a exaucé la pétition réelle et non fictive des marchands de chandelles en grevant les chandelles importées de Chine de droits de douane de 66%. Je ne croyais pas qu'un texte littéraire écrit il y a 160 ans, puisse devenir une réalité, mais cela est arrivé. La conséquence inévitable de la prise de telles mesures est le retard et le ralentissement économique de l'Europe, voire le freinage de sa croissance économique. La solution ne consiste que dans la libéralisation et la dérégulation de l'économie européenne.

"Je dis tout cela en assumant ma responsabilité de l'avenir démocratique et prospérant de l'Europe. Je m'efforce de vous rappeler les principes fondamentaux sur lesquels la civilisation européenne a été construite pendant des siècles et millénaires. Des principes dont la validité est intemporelle et universelle et qui, en conséquence, devraient valoir aussi dans l'Union européenne actuelle. Je suis sûr que les citoyens des États membres souhaitent la liberté, la démocratie et la prospérité économique.

"A l'heure actuelle, le fait le plus important est manifestement l'exigence que la discussion libre sur ces affaires ne soit pas considérée comme une attaque contre l´idée-même de l'intégration européenne. Nous avons toujours cru que la démocratie authentique, qui nous a été refusée pendant quarante ans, est justement basée sur le droit de débattre ouvertement de ces questions graves, d'être entendu et de défendre la possibilité qu'a chacun de présenter son avis même s'il est différent du politiquement correct – et cela, même quand nous sommes en désaccord avec lui. Nous qui avons éprouvé l'expérience involontaire pendant la plus grande partie de nos vies que l'échange libre des idées et des opinions est une condition essentielle à la démocratie authentique, nous croyons que cette condition sera observée et respectée même dans le futur. Elle constitue l'occasion et la seule méthode de rendre l'Union européenne plus libre, plus démocratique et plus prospère."

Václav Klaus,

Parlement européen, Bruxelles,
le 19 février 2009

Source : Parlement européen

Conflit patent d'intérêts

"Après avoir été l'un des instigateurs de la folle aventure de Natixis, qui va si lourdement peser sur les finances publiques, François Pérol se prévaut du naufrage pour prendre les commandes de la banque unifiée qui va voir le jour. Ce naufrage est en partie le sien, mais il en tire aujourd'hui argument pour asseoir son futur pouvoir. Et l'histoire est donc d'autant plus folle qu'elle prend d'innombrables libertés avec la loi."

Laurent Mauduit, Ecureuil-Banques pop': l'Elysée dans l'illégalité, dans Mediapart.

Lien : conflict of interest

2009-02-21

Journal de bord de la crise 11

Pour donner une idée de l'ambiance à ceux qui reliront ce blog en 2019, ces titres sont tous tirés de la une du Monde.fr, ce samedi 21 février, un jour ordinaire de 2009 :

- L'économie en crise
- 14:30 La Californie en récession vote des mesures drastiques
- 14:15 L'Europe de l'Est, bombe à retardement pour l'euro
- 14:12 Les démons des années 1930
- 14:10 Sur les Bourses, la sinistrose s'enracine

- Braquages : les petits commerces, coeurs de cible
- L'or, "antimite" idéal
- La France accorde une exonération d'impôts aux avoirs du Qatar
- La Situation des classes laborieuses en Angleterre dans les grandes villes, de Friedrich Engels
- Vif débat en Roumanie autour de l'appel au FMI

Un manifeste antillais

En attendant d'avoir trouvé ne serait-ce qu'un libéral guadeloupéen,
voici des morceaux choisis du manifeste de neuf Antillais,
"qu'ils souhaitent diffuser le plus largement possible",
publié par Mediapart (passages mis en gras par Libertas) :

Martinique - Guadeloupe - Guyane - Réunion

MANIFESTE

Pour les "produits" de haute nécessité

C'est en solidarité pleine et sans réserve aucune que nous saluons le profond mouvement social qui s'est installé en Guadeloupe, puis en Martinique, et qui tend à se répandre à la Guyane et à la Réunion. Aucune de nos revendications n'est illégitime. [...]

Cette grève est donc plus que légitime, et plus que bienfaisante, et ceux qui défaillent, temporisent, tergiversent, faillissent à lui porter des réponses décentes, se rapetissent et se condamnent.

Dès lors, derrière le prosaïque du « pouvoir d'achat » ou du « panier de la ménagère », se profile l'essentiel qui nous manque et qui donne du sens à l'existence, à savoir : le poétique. [...]

La « hausse des prix » ou « la vie chère » ne sont pas de petits diables-ziguidi qui surgissent devant nous en cruauté spontanée, ou de la seule cuisse de quelques purs békés. Ce sont les résultantes d'une dentition de système où règne le dogme du libéralisme économique. Ce dernier s'est emparé de la planète, il pèse sur la totalité des peuples, et il préside dans tous les imaginaires – non à une épuration ethnique, mais bien à une sorte «d'épuration éthique » (entendre : désenchantement, désacralisation, désymbolisation, déconstruction même) de tout le fait humain.

Ce système a confiné nos existences dans des individuations égoïstes qui vous suppriment tout horizon et vous condamnent à deux misères profondes : être « consommateur » ou bien être «producteur ». Le consommateur ne travaillant que pour consommer ce que produit sa force de travail devenue marchandise ; et le producteur réduisant sa production à l'unique perspective de profits sans limites pour des consommations fantasmées sans limites. L'ensemble ouvre à cette socialisation anti-sociale, dont parlait André Gorz, et où l'économique devient ainsi sa propre finalité et déserte tout le reste. [...]

Le « déterminant » ou bien le « décisif » s'obtient par des voyages ou par le téléphone. La compétence n'arrive que par des émissaires. La désinvolture et le mépris rôdent à tous les étages. L'éloignement, l'aveuglement et la déformation président aux analyses.

L'imbroglio des pseudos pouvoirs Région-Département-Préfet, tout comme cette chose qu'est l'association des maires, ont montré leur impuissance, même leur effondrement, quand une revendication massive et sérieuse surgit dans une entité culturelle historique identitaire humaine, distincte de celle de la métropole administrante, mais qui ne s'est jamais vue traitée comme telle. [...]

La question békée et des ghettos qui germent ici ou là, est une petite question qu'une responsabilité politique endogène peut régler. Celle de la répartition et de la protection de nos terres à tous points de vue aussi. Celle de l'accueil préférentiel de nos jeunes tout autant. [...]

Le déficit en responsabilité crée amertume, xénophobie, crainte de l'autre, confiance réduite en soi... La question de la responsabilité est donc de haute nécessité. C'est dans l'irresponsabilité collective que se nichent les blocages persistants dans les négociations actuelles. [...]

Ensuite, il y a la haute nécessité de comprendre que le labyrinthe obscur et indémêlable des prix (marges, sous-marges, commissions occultes et profits indécents) est inscrit dans une logique de système libéral marchand, lequel s'est étendu à l'ensemble de la planète avec la force aveugle d'une religion. [...]

Il y a donc une haute nécessité à nous vivre caribéens dans nos imports-exports vitaux, à nous penser américain pour la satisfaction de nos nécessités, de notre autosuffisance énergétique et alimentaire. L'autre très haute nécessité est ensuite de s'inscrire dans une contestation radicale du capitalisme contemporain qui n'est pas une perversion mais bien la plénitude hystérique d'un dogme. La haute nécessité est de tenter tout de suite de jeter les bases d'une société non économique, où l'idée de développement à croissance continuelle serait écartée au profit de celle d'épanouissement ; où emploi, salaire, consommation et production seraient des lieux de création de soi et de parachèvement de l'humain.

Si le capitalisme (dans son principe très pur qui est la forme contemporaine) a créé ce Frankenstein consommateur qui se réduit à son panier de nécessités, il engendre aussi de bien lamentables « producteurs » – chefs d'entreprises, entrepreneurs, et autres socioprofessionnels ineptes – incapables de tressaillements en face d'un sursaut de souffrance et de l'impérieuse nécessité d'un autre imaginaire politique, économique, social et culturel. Et là, il n'existe pas de camps différents. Nous sommes tous victimes d'un système flou, globalisé, qu'il nous faut affronter ensemble. Ouvriers et petits patrons, consommateurs et producteurs, portent quelque part en eux, silencieuse mais bien irréductible, cette haute nécessité qu'il nous faut réveiller, à savoir: vivre la vie, et sa propre vie, dans l'élévation constante vers le plus noble et le plus exigeant, et donc vers le plus épanouissant. [...]

Enfin, sur la question des salaires et de l'emploi. Là aussi il nous faut déterminer la haute nécessité. Le capitalisme contemporain réduit la part salariale à mesure qu'il augmente sa production et ses profits. Le chômage est une conséquence directe de la diminution de son besoin de main-d'œuvre. Quand il délocalise, ce n'est pas dans la recherche d'une main-d'œuvre abondante, mais dans le souci d'un effondrement plus accéléré de la part salariale. Toute déflation salariale dégage des profits qui vont de suite au grand jeu welto de la finance. Réclamer une augmentation de salaire conséquente n'est donc en rien illégitime : c'est le début d'une équité qui doit se faire mondiale. [...]

Nous sommes maintenant au fond du gouffre. Il nous faut donc réinstaller le travail au sein du poétique. Même acharné, même pénible, qu'il redevienne un lieu d'accomplissement, d'invention sociale et de construction de soi, ou alors qu'il en soit un outil secondaire parmi d'autres. Il y a des myriades de compétences, de talents, de créativités, de folies bienfaisantes, qui se trouvent en ce moment stérilisés dans les couloirs ANPE et les camps sans barbelés du chômage structurel né du capitalisme. Même quand nous nous serons débarrassés du dogme marchand, les avancées technologiques (vouées à la sobriété et à la décroissance sélective) nous aiderons [sic] à transformer la valeur-travail en une sorte d'arc-en-ciel, allant du simple outil accessoire jusqu'à l'équation d'une activité à haute incandescence créatrice. [...]

En valeur poétique, il n'existe ni chômage ni plein emploi ni assistanat, mais autorégénération et autoréorganisation, mais du possible à l'infini pour tous les talents, toutes les aspirations. En valeur poétique, le PIB des sociétés économiques révèle sa brutalité.

Voici ce premier panier que nous apportons à toutes les tables de négociations et à leurs prolongements : que le principe de gratuité soit posé pour tout ce qui permet un dégagement des chaînes, une amplification de l'imaginaire, une stimulation des facultés cognitives, une mise en créativité de tous, un déboulé sans manman de l'esprit. Que ce principe balise les chemins vers le livre, les contes, le théâtre, la musique, la danse, les arts visuels, l'artisanat, la culture et l'agriculture... Qu'il soit inscrit au porche des maternelles, des écoles, des lycées et collèges, des universités et de tous les lieux connaissance et de formation... Qu'il ouvre à des usages créateurs des technologies neuves et du cyberespace. Qu'il favorise tout ce qui permet d'entrer en Relation (rencontres, contacts, coopérations, interactions, errances qui orientent) avec les virtualités imprévisibles du Tout-Monde... C'est le gratuit en son principe qui permettra aux politiques sociales et culturelles publiques de déterminer l'ampleur des exceptions. C'est à partir de ce principe que nous devrons imaginer des échelles non marchandes allant du totalement gratuit à la participation réduite ou symbolique, du financement public au financement individuel et volontaire... C'est le gratuit en son principe qui devrait s'installer aux fondements de nos sociétés neuves et de nos solidarités imaginantes...

Projetons nos imaginaires dans ces hautes nécessités jusqu'à ce que la force du Lyannaj ou bien du vivre-ensemble, ne soit plus un « panier de ménagère », mais le souci démultiplié d'une plénitude de l'idée de l'humain. Imaginons ensemble un cadre politique de responsabilité pleine, dans des sociétés martiniquaise guadeloupéenne guyanaise réunionnaise nouvelles, prenant leur part souveraine aux luttes planétaires contre le capitalisme et pour un monde écologiquement nouveau. Profitons de cette conscience ouverte, à vif, pour que les négociations se nourrissent, prolongent et s'ouvrent comme une floraison dans une audience totale, sur ces nations qui sont les nôtres.

An gwan lodyans qui ne craint ni ne déserte les grands frissons de l'utopie.

Nous appelons donc à ces utopies où le Politique ne serait pas réduit à la gestion des misères inadmissibles ni à la régulation des sauvageries du « Marché », mais où il retrouverait son essence au service de tout ce qui confère une âme au prosaïque en le dépassant ou en l'instrumentalisant de la manière la plus étroite.

Ainsi, chers compatriotes, en nous débarrassant des archaïsmes coloniaux, de la dépendance et de l'assistanat, en nous inscrivant résolument dans l'épanouissement écologique de nos pays et du monde à venir, en contestant la violence économique et le système marchand, nous naîtrons au monde avec une visibilité levée du post-capitalisme et d'un rapport écologique global aux équilibres de la planète....

Alors voici notre vision :
Petits pays, soudain au cœur nouveau du monde, soudain immenses d'être les premiers exemples de sociétés post-capitalistes, capables de mettre en œuvre un épanouissement humain qui s'inscrit dans l'horizontale plénitude du vivant....

Les signataires :

Ernest BRELEUR (artiste-peintre)
Patrick CHAMOISEAU (écrivain)
Serge DOMI (sociologue)
Gérard DELVER (comédien et auteur dramatique)
Edouard GLISSANT (poète)
Guillaume PIGEARD DE GURBERT (philosophe)
Olivier PORTECOP (universitaire)
Olivier PULVAR (universitaire)
Jean-Claude WILLIAM (politologue)

De la considération de Georges Frêche pour ses électeurs

Quelle meilleure illustration de la théorie des choix publics que ces propos de Georges Frêche (divers gauche), président du conseil régional de Languedoc-Roussillon :

"Je fais campagne auprès des cons et là je ramasse des voix en masse".

Lisez l'article de Mathieu Soliveres.

2009-02-20

Cherche libéral de Guadeloupe

Recherche libéraux de Guadeloupe désespérément :

nul comité de Liberté Chérie, d'Alternative Libérale, du Parti Libéral-Démocrate,

nul blog libéral guadeloupéen parmi les blogs libéraux recensés...

La Guadeloupe en particulier, les Antilles françaises plus généralement, sont-elles un désert libéral ? Nul lecteur, nul admirateur, des grands auteurs libéraux ?

Nous avons besoin, les Antillais ont besoin, d'une analyse libérale des émeutes en cours, par quelqu'un qui connaisse intimement ces îles.

24 février : conf. Guido Hülsmann

Mardi 24 février 2009, conférence de Guido Hülsmann sur l'éthique de la production de monnaie, organisée par le Café Liberté à 20h30 au Café Le Luxembourg, 58 boulevard Saint Michel, 75006 Paris.

Inscription préalable obligatoire. Renseignements : Café Liberté

2009-02-19

La criiise

Moraliser le capitalisme... Moraliser le socialisme ?

(dessin de KAL pour The Economist ; légende de Libertas)

Sarko, la justice et la justice sociale

Dans son allocution télévisée d'hier soir, Nicolas Sarkozy a prononcé six fois le mot "justice" :
  • « Je leur ai dit ma détermination à aborder cette période difficile dans un esprit de responsabilité et par dessus tout de justice ».
  • « L’esprit de justice, c’est de tout faire pour que la crise ne fasse pas souffrir davantage les plus fragiles d’entre nous et ne fragilise pas ceux qui travaillent dur pour faire vivre leur famille ».
  • « Les dirigeants des entreprises qui recourent au chômage partiel ou au licenciement économique devront s’engager à renoncer à leurs bonus. C’est un élément de la justice ».
  • « Mais au-delà de ces mesures de justice, et la justice ce doit être une priorité en ce moment, les réformes doivent continuer (…) ».
  • « Je vous propose le seul chemin qui vaille, celui de l’effort, celui de la justice, celui du refus de la facilité (…)».
Il y a sans doute là un phénomène symbolique intéressant mais encore difficile à interpréter.

Premièrement, l'emploi du concept de "justice" pour fonder les mesures annoncées par le Président est évidemment erroné intellectuellement... sauf dans une perspective typiquement socialiste. Cet emploi relève d'une vision du marché aussi délirante que celle ayant déjà conduit Sarkozy a proposer un découpage du profit en trois parts.

Deuxièmement, l'utilisation de ce concept plutôt que celui de "justice sociale" paraît relativement nouvelle et intriguante. Jusqu'à tout récemment, 99% de la classe politique française prônait la justice sociale sans la moindre hésitation. C'était déjà une aberration conceptuelle. Comme on le sait depuis Hayek, cette notion est fondamentalement dénuée de sens si l'on accepte la définition de la justice ordinairement acceptée dans la civilisation occidentale depuis des siècles (malheureusement, peu de libéraux sont conscients de cela). Voir à ce sujet l'éblouissant tome II de "Droit, Législation et Liberté" intitulé "Le mirage de la justice sociale" ou, pour une version plus courte de l'argument de Hayek, son article "L'atavisme de la justice sociale" dans les "Nouveaux essais de philosophie, de science politique, d'économie et d'histoire des idées" aux Belles Lettres.

Jusqu'où ira cette dérive conceptuelle qu'a semblé inaugurer Sarkozy hier soir ? Difficile, à ce stade, de le dire. Osons espérer (sans trop y croire) que ce n'est qu'une erreur ponctuelle de sa part. Parler de "justice" pour justifier des mesures en faveur des populations les plus affectées par la crise est encore plus dangereux que de mobiliser l'idée de "justice sociale". Avec l'idée de justice, on peut justifier absolument n'importe quoi, y compris des mesures qui vont au delà de la redistribution sociale et économique. A quand une fusion du ministère de l'économie et du ministère de la justice, pour mieux poursuivre les entrepreneurs qui licencient des innocents ?

YM, pour Libertas

2009-02-15

Un exemple de journalisme britannique

Antoine Perraud, de Médiapart, rejoint l'analyse de Libertas, selon laquelle le journalisme français est complaisant et sert la communication, quand le journalisme anglo-saxon est incisif et sert l'information :

cf. cet article : Paxman, l'intervieweur qui manque à l'Élysée

mais on aurait aussi pu citer Jonathan Dimbleby ou, actuellement sur la BBC, Steven Sackur.

Sans compter The Economist, dont la qualité reste inégalée par les hebdomadaires francophones, et qui fait, comme Libertas le présageait il y a 3 jours, sa une virtuelle sur l'autocensure occidentale, au sujet de l'interdiction du territoire britannique du parlementaire néerlandais Geert Wilders, atteinte inouïe à la liberté d'expression dans un pays qui il y a encore peu laissait al-Muhajiroun librement appeler à la destruction de l'Occident sur Trafalgar Square, au nom de cette même liberté d'expression. (Cette organisation islamiste qui prêchait la haine a finalement été interdite, après qu'elle a dit sa satisfaction à propos des attentats du 11 septembre 2001 ; le gouvernement britannique a estimé qu'elle avait passé les bornes de l'acceptable.)

2009-02-13

Le Monde : Poussés par la crise, les libéraux allemands espèrent retrouver leur rôle d'arbitre

La marginalisation du libéralisme en France n'a rien d'une fatalité. Et la criiise ne renforce pas nécessairement les solutions socialistes du PS ou étatistes de l'UMP, mais est l'occasion pour les libéraux de défendre un autre projet de société, permettant l'épanouissement de chacun plutôt que le nivellement de tous.

Cf. cet article du Monde : Poussés par la crise, les libéraux allemands espèrent retrouver leur rôle d'arbitre

2009-02-12

Londres refoule Geert Wilders

Par un acte sans précédent, le gouvernement travailliste britannique a refoulé le député néerlandais Geert Wilders, auteur de Fitna, un film controversé sur l'islamisme, à son arrivée à l'aéroport de Heathrow.

Il était attendu pour une projection de son film au Parlement de Westminster, reportée une première fois à la suite de propos du pair travailliste musulman Nazir Ahmed, baron Ahmed.

Il est à prévoir que cette décision provoquera une virulente polémique au Royaume-Uni, où la liberté d'expression est sacrée : lisez la prochaine édition de l'hebdomadaire libéral The Economist quand elle sera dans les kiosques. Il ne serait pas étonnant que ce scandale emporte prochainement la secrétaire de la maison (ministre de l'intérieur) Jacqui Smith voire la majorité travailliste au pouvoir depuis 1997.

Les libéraux authentiques critiquent vertement le libéral-démocrate Chris Huhne, qui a approuvé la décision du gouvernement.

Lien : blogs libéraux britanniques

Monique Canto-Sperber : Le libéralisme et la gauche



2009-02-11

Quand Qadhafi inspire Sarkozy

Tout rapport entre le texte ci-dessous et une récente intervention télévisée du président d'un pays européen hexagonal ne peut être que fortuite.

Extrait de la partie II du Livre Vert du Guide de la Grande Révolution de la Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire et Socialiste :

"En analysant les facteurs de production, on se rend compte qu'ils ont toujours été composés de facteurs essentiels: les matières de production, les moyens de production et les producteurs. L'équité dictée par la loi naturelle veut que chaque composant qui participe à la production en ait sa part, car si on élimine l'un d'entre eux, il n'y a pas de production.

Le fait que chaque élément joue un rôle essentiel et indispensable, lui confère une égalité naturelle. Celle-ci doit se traduire au niveau de la répartition de la production. Ce principe d'égalité doit s'appliquer à tous les facteurs de la production: s'ils sont deux, la part de chacun correspondra à la moitié du total, s'ils sont trois, au tiers. Il ne peut y avoir prééminence d'un élément sur l'autre car cela aboutirait à transgresser la loi naturelle et à porter atteinte au droit d'autrui.

(...)

Comme cela a été dit précédemment, l'entreprise industrielle fonctionne grâce à trois facteurs: matières premières, moyens de production et travailleurs.

La production est le résultat obtenu par les travailleurs qui utilisent le matériel pour transformer les matières premières. Ainsi les produits finis prêts à la consommation ou à l'utilisation, ont parcouru un processus qui n'aurait pu avoir lieu sans les matières premières, les usines et les travailleurs. Si un des éléments manque, il y a blocage. Sans matières premières l'usine ne pourrait fabriquer, sans usines les matières premières resteraient à l'état brut, sans travailleurs l'usine ne pourrait fonctionner.

L'égale importance des trois facteurs implique nécessairement une répartition égale du produit obtenu. C'est en fonction de cette règle naturelle que le produit sera partagé en trois parts égales, réparties entre les trois facteurs de production. Ce système a l'avantage de prendre en considération non seulement l'entreprise, mais également les producteurs et les consommateurs".

YM, pour Libertas

A lire aussi : Pascal Salin : Le profit ne se partage pas (Les Echos, 10 février 2009)

Jeudi 12 à Bayonne

Agenda libéral :

La Crise : Une analyse pas à pas, par Vincent Bénard
Bayonne - Conférence organisée par le cercle Frédéric Bastiat
Modalités : Jeudi 12 février 18 h précises à Bayonne
Lieu: Université, Campus de la Nive, Amphithéâtre A
Modalités : Accès libre et gratuit

N'oubliez pas que vous pouvez signaler vos événements libéraux à Libertas (il suffit de laisser un commentaire sous n'importe quel billet).

2009-02-10

Défaut de coordination

L'économiste Patrick Artus, dans une récente note d'analyse, pose un problème fondamental et passionnant, celui du « défaut de coordination ». Mais il apporte une réponse qui méconnaît de manière étonnante les fondements élémentaires de l'économie de marché.

Il résume son point de vue de la manière suivante :

"Les agents économiques prennent, dans les périodes de crise, des décisions qui sont individuellement rationnelles, mais collectivement irrationnelles et dangereuses. Pour l’éviter, il faudrait coordonner les actions individuelles de ces agents économiques, d’où la dénomination de « défaut de coordination ».
Les ménages peuvent ainsi choisir d’épargner davantage, ce qui est individuellement rationnel, puisque protégeant contre le risque de perte de revenu dans le futur, mais collectivement irrationnel puisque la chute induite de la demande macroéconomique fait monter le chômage et provoque cette perte de revenu. Les entreprises peuvent décider d’arrêter d’investir pour conserver leurs liquidités et éviter des difficultés financières et des risques de trésorerie, ce qui est individuellement rationnel, mais aussi collectivement irrationnel en faisant chuter les carnets de commandes des entreprises en créant les difficultés financières.
Que peut faire la politique économique ? Puisqu’il est nécessaire de corriger les externalités négatives générées par ces comportements individuels, qui oublient leurs effets macroéconomiques, il faut mettre en place les incitations nécessaires. Dans les exemples donnés ci-dessus, décourager l’épargne (taux d’intérêt très bas), décourager les licenciements (malus en cas de licenciement d’entreprises profitables), encourager l’investissement productif (amortissement accéléré, déduction fiscales…). Il faut aussi lever les causes possibles des comportements de précaution individuelle, par exemple améliorer l’indemnisation du chômage, vérifier qu’il n’y a pas de contraction anormale du crédit bancaire."

Que penser de tout cela ?

A aucun moment, Artus n'évoque sérieusement le rôle fondamental des prix dans une économie libre. C'est pourtant un mécanisme naturel, non coercitif - et donc non liberticide - qui permet d'orienter et d'équilibrer les actions des individus d'une manière infiniment plus subtile et efficace que toute régulation publique, par nature fondée sur des informations à la fois parcellaires et périmées. Ce mécanisme a été parfaitement analysé par des économistes du 19ème siècle comme Bastiat et Molinari, puis par l'école autrichienne au 20ème siècle, particulièrement par Hayek.

Ses caractéristiques sont a priori les mêmes en période de crise et en période "normale" (si tant est que cette notion ait un sens). Et l'oubli de ce mécanisme risque peu de résoudre les problèmes causés par les crises car il passe totalement à côté des causes profondes de ces crises.

Les individus agissent en comparant le coût de leur action et les avantages que cette action leur apportera. Pour cela, ils se réfèrent notamment au prix des choses : le prix des ressources à utiliser, le prix de revente envisageable, etc. Toute action des individus, dans une économie libre fondée sur le respect des droits de propriété, tend à influer sur la rareté relative et le prix relatif d'un bien (une denrée, une ressource, un service, un espace, etc.). Si tout le monde se met à acheter en même temps du Coca Cola, la production ne pourra pas s'adapter instantanément, le prix de vente montera en flèche. Cela incitera le producteur de Coca à produire davantage pour tirer profit de cette aubaine, les concurrents à produire plus de produits similaires, et les acheteurs à modérer leur passion pour cette boisson. Progressivement, les actions des individus (production, investissement, consommation) s'adapteront à la nouvelle situation. La production augmentera, la concurrence se développera, la consommation se modérera. Et un prix plus "normal" reviendra. Pour cela, nul besoin de "politique économique corrigeant les déséquilibres des actions rationnelles individuellement mais irrationnelles collectivement". Pourquoi ? Parce sur ce marché, les droits de propriété et la liberté contractuelle sont à peu près respectés. Bien sûr, dans de nombreux cas, cet ajustement spontané, cette "autorégulation" tant honnie des étatistes, ne se produit pas. Mais ce n'est pas à cause de supposées "externalités négatives" ou "défaillances du marché" : c'est parce que le jeu naturel de ce rééquilibrage est bloqué, ralenti ou dévié par d'innombrables interférences étatiques (réglementations, fiscalité). Ces interférences sont généralement conçues soit pour avantager des groupes d'intérêt dans un jeu politique normal (cf. analyses de l'école du "Public Choice"), soit pour corriger de supposés déséquilibres du marché. Dans ce dernier cas, l'intervention publique qui prétend réguler ne fait que déséquilibrer et justifier ensuite de nouvelles régulations antilibérales, sans généralement que le lien entre la cause et la conséquence ne soit perçue (dans un mécanisme typiquement décrit par Bastiat comme "ce que l'on voit et ce que l'on ne voit pas"). Il faut bien voir que ce cercle vicieux ne peut avoir qu'une seule conséquence ultime, s'il n'est pas interrompu à un moment ou un autre : le socialisme généralisé, c'est à dire une situation ou la liberté des prix et des contrats a pratiquement disparu à force d'être limitée, encadrée, régulée.

L'argumentation d'Artus présente deux limites majeures. D'une part, il n'explique pas les causes fondamentales des comportements "déséquilibrants" : ces comportements ne sont-ils pas des réponses à des incitations déjà en place sous la forme des multiples réglementations et prélèvements obligatoires présents à tous les stades et à tous les niveaux des économies contemporaines ? D'autre part, il ne démontre à aucun moment que les incitations à mettre en place par les politiques publiques règleraient vraiment les déséquilibres sans causer de nouveaux effets pervers.

C'est ce qu'Hayek appellerait sans doute une forme de "présomption fatale".

YM, pour Libertas

A lire aussi : Pascal Salin : Le profit ne se partage pas (Les Echos, 10 février 2009)

2009-02-09

Journal de bord de la crise 10

L'État se mêle d'automobile, il est donc temps pour moi d'en sortir. J'ai vendu mes actions PSA Peugeot-Citroën, en profitant de la hausse de 3 % engendrée par la nouvelle du prêt. Le prêt est coûteux, et il implique la "modération" des dividendes, qui sont pourtant tout ce qu'il reste à l'investisseur qui a perdu la plus grande part de son capital. Si l'État voulait faire plonger le secteur qu'il "aide", il ne s'y prendrait pas autrement. Je passe sur la contradiction avec le Grenelle de l'environnement (on paye pour faire moins de voitures, et on paye encore pour faire plus de voitures). Ne pas oublier que la production automobile a chuté de 75 % en 1929. Par ailleurs, les 6 milliards d'euros prêtés à Peugeot et Renault (ce qui se voit) n'iront pas financer d'autres entrepreneurs (ce qui ne se voit pas).

Je réinvestis mes billes, ou ce qu'il en reste, chez Lafarge. A priori, c'est moins glamour que les yaourts, la banque ou l'automobile, l'Etat devrait laisser cette entreprise tranquille.

Jacques Chirac ne pensait qu'à l'agriculture,
Nicolas Sarkozy ne pense qu'à l'industrie,
le prochain président s'apercevra peut-être que la majorité des Français travaille dans les services.

2009-02-06

Journal de bord de la crise 9

- Je suis désormais convaincu que nous sommes à l'aube d'un effondrement de la valeur du dollar, qui est une phase inévitable pour que les dirigeants du G20 considèrent une réforme profonde du système monétaire international. Il serait probablement souhaitable de revenir à une forme d'étalon-or. Evidemment, ce serait mieux de réformer le système monétaire avant ce tsunami financier, mais nul n'en aura le courage, et probablement nul n'en a le pouvoir.

- Je conseille à chacun de détenir 1 à 2 % de ses avoirs sous forme de métaux précieux (or ou platine).

- J'ai racheté quelques actions (Lafarge, si vous voulez savoir lesquelles).

- L'essentiel de mes dividendes de l'année seront consacrés à l'achat d'or physique ou d'un bien tangible (place de parking par exemple).

- Remarquable série d'articles de Tropical Bear sur le keynésianisme.

- Si les analyses des causes et des remèdes à la crise de 1929 divergent profondément, tout le monde s'accorde sur le rôle nocif qu'a joué à cette époque le retour du protectionnisme, qui a aggravé la situation. Pourtant, dans la crise actuelle, après avoir juré qu'il n'en serait rien, les dirigeants français cèdent aujourd'hui à cette tentation délétère : Christine Lagarde a déclaré récemment qu'il s'agissait d'un "mal nécessaire", avant de se raviser ; et Nicolas Sarkozy, hier, à la télévision, critiquait les investissements français en Tchéquie. Les Tchèques ne sont-ils pas des Européens comme nous ? Ils ont bien mérité de l'Europe, après des décennies de joug communiste, otages du rideau de fer soviétique. Imagine-t-on le gouverneur de Californie dénoncer les constructions automobiles du Michigan ? Je reconnais autant de valeur à un emploi bulgare qu'à un emploi luxembourgeois ou portugais. Attiser les jalousies nationales est un jeu antilibéral, anti-européen et dangereux.

- Les solutions ne viendront pas de l'État, mais seront individuelles : chacun doit d'abord compter sur lui-même, sur son activité propre, sur les changements nécessaires pour rester profitable. Seulement sur la profitabilité individuelle de chacun des agents économiques pourra se reconstruire une économie viable. Ne rien attendre de bon de l'Etat, qui ne sera que dépense, dette et impôt. Les aides à la consommation qui seront extorquées par la pression populaire ne seront que cautère sur une jambe de bois.

- Mise à jour 2009-02-07 : Bêtisier présidentiel : quelques erreurs significatives lors de la conférence de presse de Nicolas Sarkozy de jeudi, mises en évidence par Jean-François Couvrat ; la plus grave est l'ignorance du poids des services (financiers et non financiers) dans notre économie : les hommes politiques français ont une grande considération pour l'agriculture et l'industrie, dont ils parlent, auxquels ils manifestent leur sollicitude, visitant comices agricoles et usines, mais négligent la part la plus importante de l'économie d'aujourd'hui...

Liens :
- Objectif Liberté
- Tropical Bear
- Blogue du QL
- Peter Schiff

2009-02-05

Pourquoi je ne serai pas auto-entrepreneur

Magnifique, le Parlement vient de créer le statut d'auto-entrepreneur.

Las, il n'a pas pu s'empêcher d'y ajouter des seuils. Résultat : tous les citoyens n'ont pas accès à ce dispositif, pourtant apparemment excellent pour la période d'amorçage d'une nouvelle activité.

"Afin de bénéficier du statut d'auto-entrepreneur (pour la partie fiscale), il faut avoir déclaré l'année précédente un revenu imposable inférieur ou égal au plafond de la 4ème tranche d'imposition, soit 25.195 euros en 2007 par part de quotient familial. Une personne célibataire ne devra donc pas avoir déclaré plus de 25.195 euros, une personne en couple 50.390 euros etc... Cette limite de revenu éloigne donc une partie de la population de la mesure, dont l'essentiel des cadres célibataires." (Wikipédia)

Dernières parutions

Le libéralisme entraîne une inflation législative

Transmis par un ami de Libertas :
« Le programme d'un colloque sur la "bureaucratisation néo-libérale" (incroyable concept) organisé par Jean-François Bayart avec le soutien du Quai d'Orsay et de l'AFD. On y lit des choses aussi délirantes que "Le libéralisme entraîne aussi une inflation législative et réglementaire" : http://www.fasopo.org/agenda/06022009_FR.pdf »

Commentaire de Libertas : on peut se demander si le ou les auteurs anonymes de ce texte ont la moindre compréhension de l'essence du libéralisme, qui suppose précisément moins de bureaucratie, moins de normes générales, plus de liberté, plus de contrats, moins de contrôle a priori, et plus de responsabilité a posteriori. Ils semblent qualifier la société actuelle de "néolibérale", alors qu'un libéral aurait plutôt tendance à considérer qu'elle est en voie de socialisation constante, comme en témoigne la progression ininterrompue des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques en proportion de la richesse produite, ainsi que l'inflation réglementaire. En qualifiant une société socialiste de libérale, on arrive à faire dire que le libéralisme entraîne une inflation normative, est interventionniste et économiquement dirigiste, ce qui est inepte, voire mensonger. Travestir le libéralisme pour mieux le décrier. Un artifice déjà dénoncé par le regretté Jean-François Revel dans son fameux essai : La grande parade, essai sur la survie de l'utopie socialiste : rejeter les maux du socialisme sur ce qu'il reste de liberté dans le pays constitue un écran de fumée, qui permet de prémunir la collectivisation réelle (cf. le logement) contre toute analyse critique.
Cela dit, ce texte semble dénoncer la bureaucratisation "néolibérale", qu'un libéral appellerait plutôt la bureaucratisation inhérente à une société illibérale, collectiviste ; mais si tous s'accordent sur l'excès de bureaucratie, il existe un terrain d'entente : la promotion de la liberté individuelle contre la servitude bureaucratique.

Le texte de présentation du colloque :

REASOPO : Réseau européen d'analyse des sociétés politiques
La Bureaucratisation du monde
Deuxième Rencontre européenne d’analyse des sociétés politiques
Paris, les 5 et 6 février 2009
Université Paris-I Panthéon Sorbonne
Place de la Sorbonne
75005 – Paris
Le néolibéralisme ne signe pas la mort de l’interventionnisme, ni même du dirigisme économique. Il est d’abord un projet politique de réaffirmation du politique. Il promeut un «gouvernement indirect privé», un «gouvernement à distance» grâce à la «privatisation de l’Etat». Sur la base de ce constat que partagent, chacun à leur manière, les études de politique publique, les travaux d’inspiration polanyienne et les recherches néo-foucaldiennes, la Deuxième Rencontre européenne d’analyse des sociétés politiques se propose de réfléchir sur la dimension bureaucratique des dispositifs économiques contemporains d’exercice du pouvoir. Ceux-ci sont évidents dans la sphère de l’Etat, fût-il «minimum», mais ils se retrouvent aussi dans le monde de l’entreprise et dans l’ensemble de la société. Max Weber et Karl Polanyi avaient compris que la contrainte juridico-administrative n’est pas propre à l’Etat stricto sensu. Elle caractérise également les institutions sociales, à commencer par les institutions économiques et les entreprises elles-mêmes. Le libéralisme entraîne aussi une inflation législative et réglementaire qui est la condition paradoxale du démantèlement des obstacles à la marchandisation des facteurs de production : la terre, le capital, le travail.
La multiplication des règles, les processus de standardisation et de quantification, la prolifération des «documents», des «papiers» évidemment «stratégiques», des manuels de procédure, des normes de certification, des «indicateurs de performance» et autres «chartes éthiques» sont inhérents à l’institutionnalisation du néolibéralisme. La vie politique, les collectivités locales, le marché, la sécurité intérieure et internationale, la protection sociale, l’environnement, la «société civile» des organisations non gouvernementales mais pas moins bureaucratiques, la diplomatie, les organisations multilatérales, les agences de régulation indépendante, l’aide au développement n’échappent pas à cette évolution. Celle-ci enferme les sociétés dites libérales dans l’«habitacle de la servitude» dont nous parlait Max Weber : celui de la bureaucratie. Elle équivaut à une production sociale de l’indifférence qui, sous couvert de lois, de réglementations, de procédures, de normes, de techniques et de plus en plus de biotechniques, rend possible, à un moindre coût politique et constitutionnel, l’usage d’une coercition à visage humain et démocratique, par exemple dans le domaine des migrations, de la santé publique, de la solidarité.